Pr Henriette Dagri Diabaté (auteure) : "Les Ivoiriens se rendront compte qu'Alassane Ouattara est un grand Président et homme de paix"

Henriette Dagri Diabaté, auteure et Grande Chancelière de la République de Côte d'Ivoire. (DR)
Henriette Dagri Diabaté, auteure et Grande Chancelière de la République de Côte d'Ivoire. (DR)
Henriette Dagri Diabaté, auteure et Grande Chancelière de la République de Côte d'Ivoire. (DR)

Pr Henriette Dagri Diabaté (auteure) : "Les Ivoiriens se rendront compte qu'Alassane Ouattara est un grand Président et homme de paix"

Le 10/03/20 à 12:04
modifié 10/03/20 à 12:04
Auteure du recueil de discours de 211 pages, intitulé « Messages de paix d’une femme engagée » paru à Frat Mat Editions, la Grande Chancelière de la République de Côte d’Ivoire, saisit l’occasion de la présentation de son ouvrage pour attirer l’attention sur la grandeur d’esprit du Président de la République. Le livre sera officiellement présenté le jeudi 19 mars à partir de 17 h, au Palais de la culture de Treichville.
Le Président de la République, Alassane Ouattara, a annoncé devant les parlementaires qu’il ne se représenterait pas à la magistrature suprême en octobre prochain. Comment réagissez-vous à cette annonce?

Avec fierté et émotion, car le Président de la République a fait vivre un moment véritablement historique à la Côte d’Ivoire. Pour la première fois, un président décide lui-même de se retirer du pouvoir. Je félicite Alassane Ouattara pour sa décision, une de plus, qui démontre sa volonté de laisser une Côte d’Ivoire apaisée.

Vous venez de publier un livre intitulé « Messages de paix d’une femme engagée », qui réunit la plupart de vos discours prononcés depuis votre accession à la tête du RDR, en septembre 2017. Qu’est-ce qui a motivé la sortie de cet ouvrage ?

Au départ, c’est une demande du directeur général de Fraternité Matin, Monsieur Venance Konan. J’ai relu ces discours prononcés depuis que j’ai été élue présidente du RDR. Il y a, en effet, une idée qui les traverse tous, exprimée d’une manière ou d’une autre, quel que soit l’auditoire, c’est celle de la paix, de la concorde, du respect des uns vis-à-vis des autres. J’ai trouvé que la proposition de Venance Konan était opportune dans le contexte politique pré-électoral que nous connaissons.

Femme de conviction, nourrie à la sève « houphouétiste », vous restez attachée aux idéaux de paix tels que cela transparaît dans votre ouvrage-recueil de discours. Quelle définition donnez-vous à la paix ?

La Paix n’est pas seulement une conception philosophique ou une idée. Elle est certes un « état d’esprit » mais aussi une réalité qui ne peuvent être portés que par des hommes et des femmes. Il n’y a pas de paix sans hommes de paix. C’est pourquoi Houphouët-Boigny disait, pour illustrer cet état d’esprit, que «la paix est un comportement». J’adhère à cette vision qui place l’humain au cœur de l’idée de la paix. Au-delà, la paix est également une réalité vécue : quand on est obligé de rester confiné chez soi, sans pouvoir travailler ou se ravitailler parce qu’il serait dangereux de sortir, on éprouve très concrètement ce que l’absence de paix signifie. La paix s’éprouve aussi bien dans la sphère privée que dans la vie en société. Quand un paysan mange un bon foutou dans sa cour, on présume qu’il souhaite le faire en paix, sans dérangement. Si ce même paysan quitte sa cour pour aller dans son champ, pour le cultiver, le moissonner et ensuite, pour vendre le fruit de son travail, il entend également pouvoir le faire en paix. C’est la même chose pour sa femme, si elle veut pouvoir vendre ses vivriers. Et pour leurs enfants, s’ils veulent aller à l’école. Car si c’est la guerre, s’il y a des barrages qui les empêchent de se déplacer, alors qu’ils soient paysans ou qu’ils vivent en ville, les citoyens ne peuvent plus jouir de leur liberté et du fruit de leur labeur. La paix est le seul état de la société qui permet à chacun de ses membres de s’épanouir et au pays de se développer. On dit souvent en économie que « la route précède le développement ». Je dirai aussi que la paix est le préalable à tout développement et qu’elle garantit sa pérennité.

Quel est, selon vous, le profil de l’homme ou de la femme de paix?

L’homme de paix n’est pas sans convictions (d’ailleurs la paix elle-même est une conviction). Mais il les défend avec sa tête, sa raison et ses réflexions, dans le respect de ses contradicteurs, des institutions et des peuples qu’il veut représenter. La violence ne peut-être qu’un ultime recours, non pas pour faire valoir un point de vue, mais lorsque le cadre dans lequel on nous place est lui-même illégal et que rien d’autre ne peut plus être envisagé pour se faire entendre. Nelson Mandela, par exemple, était un homme de paix qui avait des convictions si fortes qu’elles l’ont mené en prison durant 24 ans. Lors de son procès en 1964, alors qu’on lui reprochait des actions violentes, on a su dans son discours quel homme de paix il était. Car ce même discours est celui qu’il prononça 24 ans plus tard, le jour même de sa libération. Il n’avait pas pris une ride. C’est ça, de mon point de vue, un homme de paix. Les Ivoiriens se rendront compte, particulièrement après sa dernière annonce, qu’ils ont eu en Alassane Ouattara, non seulement un grand président, mais aussi un homme de paix. Tout au long de ses deux mandats, son discours d’unité et d’apaisement n’a pas varié, ses décisions en faveur de la paix se sont succédé. Il l’a dit, il l’a fait.

Y a-t-il des moments où la paix peut paraître un vain mot ?

Il peut y avoir des cas, entre États, en cas d’agression caractérisée, par exemple, où la guerre est la seule solution pour conserver son intégrité. Les chefs d’État qui, entre 1939 et 1945 ont mené la guerre contre le nazisme, ont été légitimes à le faire. Mais au sein d’un même pays, entre peuples d’une même nation, alors, jamais, jamais, jamais, il ne faut renoncer à la paix, au dialogue et à l’apaisement. Encore une fois, comme je le disais pour l’Afrique du Sud, seules des circonstances d’une exceptionnelle gravité peuvent amener des individus à déroger à ces principes. Mais entre frères, on doit toujours pouvoir se parler et trouver des solutions.

A la page 38, vous rappelez qu’Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont su faire preuve de sagesse : « Ils ont fait la démonstration qu’aucun obstacle insurmontable ne pourra entraver notre alliance ». Cette vérité reflète-t-elle la réalité politique aujourd’hui ?

Ce discours illustrait une situation particulière, datée. Des obstacles hélas ont, depuis, entravé l’alliance RHDP qu’ils avaient su former et qui a permis en 2010 d’installer à nouveau la paix en Côte d’Ivoire. Je le regrette profondément. J’ai la conviction que le dialogue, toujours porteur d’espoir, finira par l’emporter.

Quel regard portez-vous sur la paix en Côte d’Ivoire ?

En Côte d’Ivoire, la paix a connu des fortunes diverses. Durant la terrible décennie 2000, je n’ai pas reconnu les Ivoiriens, je n’ai pas reconnu mon pays avec ses valeurs fortes de convivialité, de bonhommie, d’art de vivre léguées par Houphouët-Boigny. Depuis l’élection d’Alassane Ouattara à la tête du pays, la paix retrouvée a permis de reprendre notre marche vers le développement, à ses talents de retrouver un terrain favorable pour s’exprimer au bénéfice de tous. C’est ce qu’on a appelé le deuxième miracle ivoirien. Pour ma part, je poursuivrai sans relâche cette préoccupation: la quête de la paix.

De 2011 à aujourd’hui, peut-on dire que la Côte d’Ivoire est en paix ? Les Ivoiriens sont-ils en paix ?

Depuis 2011, la Côte d’Ivoire est en paix. C’est indéniable! Les Ivoiriens ont quelquefois besoin de piqûres de rappel. C’est ce à quoi je m’attache souvent, quand je prononce un discours, moi qui ne jouis que du magistère de la parole. Chacun se rend aisément compte de ce qu’a apporté la paix retrouvée.

Femme politique de haut rang, qu’est-ce qui motive votre engagement dans un tel milieu jugé impitoyable, où l’on ne se fait pas de cadeaux ?

Quand on a des convictions, il faut faire en sorte de les exprimer et de les voir aboutir. Je suis une universitaire, je n’avais pas la vocation de la politique. Mais à un moment donné, il m’est apparu, même si j’ai pu éprouver la dureté de ce milieu, qu’il était l’une des voies possibles pour défendre mes convictions. Je l’ai fait avec détermination et je ne regrette pas du tout. Ce qui m’importe, c’est le mieux-être de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens. Aujourd’hui, c’est le cas et je voudrais que cela continue.

Si c’était à refaire, qu’auriez-vous souhaité apporter de nouveau ?

Je ne pense pas, si c’était à refaire, que je ferais les choses vraiment différemment.

Pourquoi ?

Je n’ai jamais cédé sur mes convictions ou sur ce que je croyais juste, mais je l’ai toujours fait dans le respect de mes adversaires politiques. J’ai toujours tenté de respecter une ligne de conduite la plus digne possible. Je n’ai à rougir d’aucun de mes actes, d’aucune de mes paroles politiques. Si je n’ai qu’un regret, c’est que mes positions politiques ont parfois eu des conséquences sur mes proches.

Quel jugement portez-vous sur les acteurs politiques ivoiriens dans la volonté d’aller à la paix ?

Qui suis-je pour porter des jugements sur tel ou tel acteur politique ou pour délivrer des bons et des mauvais points? Disons seulement que je ne suis pas mécontente, du point de vue que vous évoquez, la recherche de la paix, du camp politique auquel j’appartiens depuis quarante ans, derrière le Président Alassane Ouattara.

A quelques mois de l’échéance électorale, quel appel lancez-vous à toutes ces personnes qui ont déjà payé le prix de la désunion en Côte d’Ivoire ? Et aux Ivoiriens dans leur ensemble ?

À ceux qui ont payé le prix de la désunion, je renouvelle ma compassion. Aux Ivoiriens dans leur ensemble, au risque de me répéter, je veux dire que la violence verbale précède toujours la violence physique. Dans cette période pré-électorale, j’appelle chacun à mesurer ses propos. Le président de la République l’a dit : «Tous ceux qui veulent solliciter le suffrage des Ivoiriens pourront le faire». Qu’ils affûtent leurs arguments pour les convaincre au lieu de dénigrer leurs contradicteurs ; qu’ils appellent leurs partisans au calme au lieu d’exciter les haines ; bref, que chacun joue le jeu de la démocratie.

Femme intellectuelle, femme politique, quelle image souhaitez-vous qu’on retienne de vous ?

Il est difficile de séparer les deux aspects, la femme politique et l’intellectuelle. On ne choisit pas, de toute façon, l’image de soi que les gens retiennent. L’histoire le décidera. Il est certain que je suis une femme et que j’ai eu dans ma vie une certaine influence. J’espère qu’elle sera jugée positivement.

Le rêve d’une Côte d’Ivoire unie et réconciliée avec les acteurs politiques clés que sont Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo est-il possible à votre avis ?

Chacun a eu sa partition à jouer. Aujourd’hui, comme l’a dit et démontré le Président Alassane Ouattara, il est temps, je crois, qu’une nouvelle génération de responsables politiques prenne le relais. Je souhaite qu’ils le fassent dans le respect les uns des autres, dans la préservation de l’unité du pays et de nos valeurs intangibles.

A votre avis, la femme peut-elle avoir un rôle particulier dans la promotion de la paix ?

Essentiel. Quelles soient en position de responsabilité ou pas, les femmes, qui sont aussi des mères et des épouses, souvent sont plus tempérées. Leurs réactions sont souvent moins guidées par l’émotion et l’immédiateté que celles de certains hommes.

Vous semblez avoir inspiré de nombreuses femmes dans le combat politique. Quelle leçon voulez-vous qu’elles retiennent de vous ?

Si c’est le cas, je ne peux que m’en réjouir. Si je peux me permettre un seul conseil, je leur dirais ceci : « Travaillez inlassablement ; faites ce que vous devez faire ; restez intègres quant à vos idées et n’ayez pas peur ». L’heure des femmes est arrivée et c’est très bien ainsi.



Le 10/03/20 à 12:04
modifié 10/03/20 à 12:04