2020 comme 2010 ?

Le décompte des bulletins dans un bureau de vote. (DR)
Le décompte des bulletins dans un bureau de vote. (DR)
Le décompte des bulletins dans un bureau de vote. (DR)

2020 comme 2010 ?

Le 17/02/20 à 11:44
modifié 17/02/20 à 11:44
Depuis quelque temps, certaines personnes nous préviennent que la prochaine élection présidentielle risque d’être aussi meurtrière, voire plus, que celle de 2010. Parce que tous les ingrédients seraient en place pour qu’il en soit ainsi. L’Église catholique avait même retroussé ses soutanes et chaussé ses crampons de marche pour nous alerter sur cette élection qui serait à haut risque. Faute d’avoir pu marcher dans les rues d’Abidjan, elle a organisé une séance de prière à la cathédrale le samedi dernier. L’affaire est donc sérieuse.

Essayons de voir en quoi notre prochaine présidentielle renferme des germes de violence. Rappelons déjà la situation de 2010. Cette année-là, nous sommes allés au scrutin après une longue attente de dix ans, alors que le pays était encore coupé en deux et la partie septentrionale occupée par la rébellion de Guillaume Soro. Nous étions tous d’accord sur les conditions du vote, à savoir le code électoral, la composition de la commission électorale, la liste électorale, et l’institution chargée de certifier les résultats. Il nous fallut beaucoup de temps pour tomber d’accord sur tout cela.

C’est pour cela d’ailleurs que l’élection qui aurait dû se tenir en 2005 fut repoussée jusqu’en 2010. Tout se passa bien au premier tour. Les battus reconnurent leur défaite et l’on alla au second tour. Le vote se déroula sans problème majeur. Mais lorsque M. Laurent Gbagbo fut déclaré battu, il refusa de reconnaître sa défaite et commença à semer la terreur. Après plusieurs mois de discussions et de tueries, les troupes de Guillaume Soro, et plus tard les forces de l’Onu présentes en Côte d’Ivoire, se battirent contre celles de Laurent Gbagbo et les défirent. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Laurent Gbagbo est dans l’attente de savoir si la Cour pénale internationale le libérera complètement ou si elle reprendra son procès en appel. Et au pays, ceux qui, hier, avaient applaudi des mains et des pieds en affirmant que la meilleure chose qui puisse arriver à notre pays était que Gbagbo soit envoyé à La Haye, déclarent aujourd’hui qu’il ne saurait y avoir la paix dans ce pays tant que le fils de Mama ne sera pas de retour. Et l’on nous menace tous les jours avec cette histoire : « Tant que Gbagbo ne sera pas de retour, il n’y aura pas de réconciliation, et sans réconciliation, il y a des risques de guerre. » Est-ce que ce monde est sérieux ? Concrètement, que se passera-t-il si Laurent Gbagbo revenait au pays ? Ses partisans danseront de joie, provoqueront ceux qu’ils considèrent comme leurs adversaires, pour ne pas dire ennemis, et il y aura certainement des affrontements. C’est cela la réconciliation ? Que le réconciliateur qu’il est censé être réconcilie déjà son foyer et sa famille politique.

Une frange de son parti a décidé de se mettre en marge de la République et de ne participer à aucune élection tant qu’il ne sera pas de retour, et l’autre, qui est ultra minoritaire aussi bien à l’Assemblée nationale que dans la population veut aller au scrutin, mais à ses conditions. L’autre protagoniste est le Pdci d’Henri Konan Bédié.

Tant que ce dernier s’entendait bien avec le Président de la République et qu’il espérait que ce dernier lui ferait la courte échelle pour qu’il revienne au pouvoir, tout allait très bien dans ce pays. Il ne trouvait rien à redire sur la commission électorale et les autres éléments pour une élection transparente. Depuis qu’il fait bande à part et que les rangs de ses troupes s’éclaircissent de jour en jour, plus rien ne va dans le pays à ses yeux. Et lui aussi menace : si l’on veut la paix dans ce pays, il faut que les choses se passent comme lui le veut. Qu’est-ce qui, dans ce tableau ainsi planté, est susceptible d’amener la guerre ?

Pour nos opposants, tant que l’on ne cède pas à leurs desiderata, l’on met la paix sociale en péril. Et l’Église catholique ivoirienne, sur laquelle je me suis fait mon opinion depuis longtemps, après avoir observé ses bruyants silences devant les crimes de la Refondation, l’assassinat de Robert Guéi et la sortie de son cardinal en décembre 2010 en faveur de la forfaiture de Laurent Gbagbo, a, elle aussi, adopté cette position de notre opposition.

Aujourd’hui, ni le Fpi, ni le Pdci de Bédié ne s’investissent sur le terrain auprès des électeurs comme le fait le Rhdp. Soit ils sont totalement dépassés, soit ils comptent sur autre chose que les élections pour revenir au pouvoir. Guillaume Soro, le dernier acteur de cette pièce, a été accusé de préparer une action de déstabilisation. Est-ce sur cela que comptaient ses alliés circonstanciels du Pdci-Daoukro ? Il s’est, depuis quelques temps, exilé en Europe. Peut-il de là-bas organiser encore des actions de déstabilisation ? Ce serait difficile. Alors ? Qu’est-ce qui devrait donc nourrir notre peur d’une nouvelle guerre ? Qui a une armée planquée dans un coin du pays ou chez un voisin qui pourrait venir se battre contre notre armée nationale ?

Comme il est de coutume en Afrique, et comme on nous y prépare déjà, nos opposants actuels, qui n’ont pour unique programme que le dénigrement du pouvoir et la réclamation d’une nouvelle commission électorale, ne reconnaîtront pas leur défaite s’il leur arrivait de perdre. Mais et après ? Que feront-ils d’autre, à part protester, dire qu’ils ne reconnaissent pas celui qui sera élu, faire le siège des médias internationaux et des chancelleries occidentales, organiser des marches, et in fine, négocier pour avoir quelques strapontins au gouvernement s’ils arrivent à faire de bons scores aux législatives ? Que peuvent-ils faire d’autre ? La guerre viendra d’où ? Arrêtons donc de nous faire peur et de faire une mauvaise publicité à notre pays.


Le 17/02/20 à 11:44
modifié 17/02/20 à 11:44