Zoom sur le pays du Nil: Quand l’Égypte renoue avec ses racines africaines

Le Nil, qui traverse toute la ville du Caire (Ph: Venance Konan)
Le Nil, qui traverse toute la ville du Caire (Ph: Venance Konan)
Le Nil, qui traverse toute la ville du Caire (Ph: Venance Konan)

Zoom sur le pays du Nil: Quand l’Égypte renoue avec ses racines africaines

Quand il arrive à la tête de l’Union africaine en 2019, le Chef de l’Etat égyptien Abdel Fattah Al-Sissi décide de se tourner résolument vers l’Afrique.
En ce petit matin froid de mi-janvier, le soleil chasse petit à petit le brouillard et scintille sur le majestueux Nil qui s’étale au pied de mon hôtel, lequel porte justement son nom. Des bateaux de toutes les tailles sillonnent le grand fleuve. J’aurai plus tard l’occasion, un soir, de faire une croisière sur le Nil, en compagnie de mes compagnons de voyage. À la fin du dîner, nous eûmes droit à la fameuse danse arabe du ventre qui fait fantasmer tant d’hommes. Sur l’autre rive, en face de mon hôtel, l’on aperçoit les immeubles majestueux de grands palaces appartenant à des grandes chaînes internationales, de la Tour d’Égypte, de l’opéra du Caire et le bâtiment blanc du ministère des Affaires étrangères.

L’université britannique du Caire (Ph: Venance Konan)
L’université britannique du Caire (Ph: Venance Konan)



Bienvenue en Égypte, votre seconde patrie !

« L’Égypte est un don du Nil», avait écrit l’historien grec Hérodote, plusieurs siècles avant Jésus Christ. Parce que l’histoire de ce pays est indissociable de ce fleuve, le plus long du monde avec l’Amazone, qui traverse une dizaine de pays avant de se jeter dans la mer Méditerranée. Depuis toujours, depuis l’époque pharaonique, la population égyptienne a vécu sur les bords de ce fleuve et en a toujours subi les caprices caractérisés par ses crues qui apportaient le limon noir qui fertilisait les terres. Dans l’ancien temps, le pays s’appelait « Kemet» ou « Kemit » qui signifiait «terre noire ». Selon certains historiens, ce nom viendrait de ce limon noir, pendant que pour d’autres, ce nom viendrait plutôt du fait que les habitants du pays étaient des Noirs. Aujourd’hui, les plus que cent millions d’habitants du pays vivent essentiellement le long du Nil, le reste du pays étant largement désertique. L’Égypte est le troisième pays le plus peuplé d’Afrique après le Nigeria et l’Éthiopie.

« Bienvenue en Égypte, votre seconde patrie ! » Cette phrase, je l’avais plusieurs fois entendue lors d’un précédent voyage dans ce pays, au mois de juillet. Je l’entendrai à nouveau plusieurs fois de la bouche des officiels que nous rencontrerons, mes compagnons de voyage et moi. Nous étions cette fois-ci une vingtaine de responsables de médias africains originaires d’autant de pays à effectuer ce voyage. Est-ce une instruction venue d’en haut pour faire plaisir aux visiteurs ? Sans doute. Mais je comprendrai tout au long de mon séjour qu’il s’agissait d’une réelle volonté des autorités du pays et des populations que nous rencontrerons, de se tourner vers le reste du continent et de faire corps avec ses populations. L’Égypte a pendant longtemps été classée parmi les pays du Moyen-Orient, et la population s’est toujours vue moyen-orientale. Et les Égyptiens, comme les autres pays arabes d’Afrique du Nord, ont toujours parlé de l’Afrique comme si elle leur était étrangère, comme s’ils n’appartenaient pas à ce continent. Mais l’on peut dire à la décharge des Égyptiens qu’une partie de leur territoire, le Sinaï, se trouve sur le continent asiatique, c’est-à-dire effectivement au Moyen-Orient, la majorité de la population du pays est arabe, c’est-à-dire venue historiquement d’Arabie, et l’histoire de l’Égypte a toujours été liée à celle de cette partie du monde. L’Égypte a participé à toutes les guerres menées par les pays arabes contre Israël, son voisin, jusqu’à la conclusion d’un traité de paix entre les deux pays le 26 mars 1979. L’Égypte est même le médiateur privilégié entre Israël et le mouvement islamiste Hamas qui dirige le territoire palestinien de Gaza.

La cathédrale copte de la nouvelle capitale administrative. La plus grande du Moyen-Orient (Ph: Venance Konan)
La cathédrale copte de la nouvelle capitale administrative. La plus grande du Moyen-Orient (Ph: Venance Konan)



L’Égypte a beaucoup à apporter au reste du continent

Durant toute l’année 2019, et jusqu’au dernier sommet de l’Union africaine qui s’est ouvert le dimanche dernier à Addis-Abeba, en Éthiopie, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, assurait la présidence de l’Union africaine. Et il a décidé de saisir cette opportunité pour renouer avec les racines africaines de son pays, d’être de plain-pied avec le reste du continent. Pourquoi ? D’abord parce que l’Égypte est effectivement africaine. Elle serait même, si l’on en croit les thèses du savant sénégalais Cheikh Anta Diop, le berceau des civilisations négro-africaines. Mais surtout, comme nous l’a dit avec franchise le responsable de l’organisme général de l’Information dont le rôle principal est de faire connaître l’Égypte à l’extérieur, « si tout le monde s’intéresse à notre continent, pourquoi nous-mêmes ne nous y intéresserions-nous pas ? » D’autant plus que l’Égypte a beaucoup à apporter au reste du continent. Certes, le pays, qui n’est pas encore ce que l’on pourrait appeler un pays développé, est confronté à plusieurs défis qui ont été à la base des manifestations ayant conduit à la chute du Président Hosni Moubarak le 11 février 2011, mais il a une nette longueur d’avance sur la plupart des pays au sud du Sahara en matière de développement. L’Égypte produit du pétrole et du gaz naturel, mais son économie est très diversifiée et le tourisme et l’industrie y jouent un rôle important. Le pays est aussi un grand producteur de coton. En matière de grands travaux, par exemple, ce sont des ingénieurs égyptiens qui ont effectué, en un an, les travaux d’agrandissement du canal de Suez. Lesquels ont consisté à élargir le canal ainsi qu’à en augmenter la profondeur sur 35 kilomètres, et à le doubler sur 37 kilomètres, tout en construisant des tunnels pour relier le Sinaï. De même, ce sont des ingénieurs égyptiens qui sont en train de réaliser le pharaonique chantier (c’est vraiment le cas de le dire) de la nouvelle capitale administrative du pays située à une cinquantaine de kilomètres à l’est du Caire. Les impressionnants échangeurs de la ville du Caire témoignent eux aussi du savoir-faire local en matière de construction. En matière de défense, le pays des Pharaon dispose de l’armée la plus puissante du continent ; et pour ce qui est de la sécurité, sa police marque de sérieux points contre le terrorisme qui l’avait aussi touché. Nous avons eu l’occasion de visiter l’académie militaire Gamal Abdel Nasser où est formée l’élite de cette armée, et l’Académie de la police où nous avons pu assister à l’impressionnant entraînement des élèves policiers.

Son savoir-faire, l’Égypte le met à la disposition du reste du continent en octroyant de nombreuses bourses aux étudiants et des stages à des travailleurs venant d’Afrique sub-saharienne. Ainsi avons-nous eu la surprise de retrouver à l’Académie de la police deux compatriotes policiers avec qui nous avions fait le voyage dans le même avion. Ce sont ainsi des milliers d’étudiants africains qui y suivent leurs études, dans les mêmes conditions que les nationaux. Nous avons eu l’occasion de visiter au Caire deux universités assez particulières, l’une étant allemande, l’autre britannique. Ces deux universités, fruit de la coopération entre l’Égypte, l’Allemagne et la Grande Bretagne, dispensent des enseignements de très haut niveau suivant les normes des pays dont elles sont issues et offrent, elles aussi, des bourses à des étudiants sub-sahariens. Il en est de même de l’institut islamique Al-Azar, fondé vers 970, et qui enseigne un islam modéré tout en observant les mouvements terroristes afin de les contrer, qui offre également des bourses à des étudiants originaires d’Afrique sub-saharienne.

Le Président Abdel Fattah Al-Sissi a cédé son fauteuil de président de l’Union africaine au Sud-Africain Cyril Ramaphosa. C’est peut-être un symbole que l’Afrique du Sud, le poids lourd économique dans l’hémisphère sud de notre continent, succède au poids lourd économique de l’hémisphère nord. Ces deux pays peuvent tirer tout le continent vers le haut. Ensemble, ils disposent d’une grande partie des entreprises et des connaissances susceptibles de construire les infrastructures de nos pays, sans que nous n’ayons à en chercher en dehors de notre continent.