Champions nationaux : Attention au piège des capitaux étrangers

Jean Kacou Diagou, Pdg de Nsia Groupe, promoteur acharné de l'idée de champions nationaux. (DR)
Jean Kacou Diagou, Pdg de Nsia Groupe, promoteur acharné de l'idée de champions nationaux. (DR)
Jean Kacou Diagou, Pdg de Nsia Groupe, promoteur acharné de l'idée de champions nationaux. (DR)

Champions nationaux : Attention au piège des capitaux étrangers

Le 12/02/20 à 11:27
modifié 12/02/20 à 11:27
Peut-on tenir sa promesse de « champion national » en ayant un actionnariat majoritairement étranger ? La question mérite d’être posée, quand on prend en considération les observations faites par Jean Kacou Diagou, président directeur général de Nsia Group, dans une interview accordée récemment à Jeune Afrique.

Pour l’homme d’affaires ivoirien, « les pays africains ne pourront se développer qu’avec des capitaux africains. Il est important d’avoir des partenaires, mais il faut garder cette essence africaine. Les Asiatiques se sont développés à l’international avec des partenaires étrangers, mais en restant des groupes asiatiques (...) Je ne suis pas contre les partenariats, mais il y a des moments où nous avons besoin de champions nationaux et régionaux dans nos économies ».

Si Jean Kacou Diagou est si méfiant, c’est à raison. Il a failli perdre le contrôle de la société qu’il a fondée en 1995, à la suite de la décision du capital-investisseur français, Améthis, et de la Banque nationale du Canada de revendre les actions de Nsia participations acquises en 2015.

L’ancien président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) regrette le fait que l’objectif du plan du Président Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la Côte d’Ivoire, qui était de créer des entreprises d’État et de les céder ensuite à des investisseurs nationaux n’ait pas été atteint. « Malheureusement, cela n’a pas toujours été le cas. Elles ont plutôt été cédées à des entreprises étrangères. Un pays ne peut pas compter seulement sur des étrangers comme acteurs économiques », déplore-t-il.

Alain Kouadio, président du groupe Kaydan, également promoteur acharné de l'idée de champions nationaux. (DR)
Alain Kouadio, président du groupe Kaydan, également promoteur acharné de l'idée de champions nationaux. (DR)



Dans un article publié dans une tribune de Jeune Afrique, Alain Kouadio, président du groupe Kaydan, ex-vice-président de la Cgeci, exprime un avis similaire à celui de Jean Kacou Diagou. Ce proche du Pdg de Nsia, dont-il a été le vice-président à la Cgeci, soutient que les rares « champions nationaux » africains n’impactent pas véritablement la vie des populations. En cause, « l’internationalisation de la finance qui a profondément modifié la structure capitalistique de ces champions souvent détenus par des acteurs étrangers qui, grâce aux codes d’investissements de nos pays, peuvent d’ailleurs rapatrier leurs dividendes sans frottement fiscal ».

Alain Kouadio rappelle l’exemple allemand, un cas d’école qui devrait inspirer plus d’un État africain déterminé à se doter d’un tissu industriel fort et résilient. « Dans l’Allemagne du XIXe siècle, une politique publique volontariste, appuyée sur la synergie entre l’industrie, la banque et l’État, a favorisé l’émergence de groupes ayant pour objectif de rattraper le retard industriel du pays. Ces derniers ont ensuite bénéficié du protectionnisme de l’État dans une logique de souveraineté nationale, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. De façon générale, c’est le développement économique et la souveraineté nationale, et non pas la croissance inclusive, qui ont guidé ces politiques industrielles volontaristes », pense Alain Kouadio. Et de conclure: « Si les États africains veulent s’engager avec succès sur ce chemin, dans notre époque marquée par la mondialisation de la finance et des chaînes de production, ils devront construire des « filières championnes nationales » avec des entrepreneurs locaux forts sur toute la chaîne économique, soutenus par un secteur bancaire national solide ».

En contrepartie, la responsabilité des champions ainsi construits ne devra pas être un devoir moral, mais une stricte obligation réglementaire, conclut le président du groupe Kaydan



Le 12/02/20 à 11:27
modifié 12/02/20 à 11:27