Emergence économique : Qualité du capital humain et marché du travail au centre d’une étude

Emergence économique : Qualité du capital humain et marché du travail au centre d’une étude

Le 29/01/20 à 19:10
modifié 29/01/20 à 19:10
Le programme lancé à Abidjan vise à corriger l’inadéquation formation-emploi afin de créer davantage d’opportunités pour les jeunes à l’ère de la quatrième révolution industrielle.

Peut-on transformer l’économie pour arriver à l’émergence tant souhaitée en faisant l’économie de l’amélioration substantielle et continue du capital humain du pays ? Non, répondent en chœur le groupe d’influence ACET (Centre africain pour la transformation économique) et les chercheurs du Centre de recherches microéconomiques du développement (Cremide) de l’Unité de formation et de recherche en Sciences économiques et de gestion (Ufr-Seg) de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody. Cette posture s’est matérialisée d’abord par une étude initiée par l’Acet en octobre dernier au Ghana sur la question de l’emploi des jeunes, qui a abouti à un document de référence posant un diagnostic global de la situation à l’échelle de six pays (Côte d’Ivoire, Ghana, Ethiopie, Rwanda, Niger et Ouganda). Puis, par la mission confiée par l’Acet au Cremide dirigé par le Professeur Clément Kouakou, d’approfondir cette étude dans le cas de la Côte d’Ivoire.

Les statistiques sur cette jeunesse ne sont pas reluisantes, soulignera d’emblée le Doyen de l’Ufr-Seg, le Professeur Zié Ballo. « Des rapports des enquêtes sur le niveau de vie des ménages réalisés par l’INS (Institut national de statistiques) et des enquêtes emploi réalisées par l’Agence Emploi Jeune avec l’appui de l’INS, il est chaque fois ressorti la précarité professionnelle de la jeunesse : difficulté d’insertion professionnelle, taux de chômage élevé, durée de transition professionnelle élevé, inadéquation formation emploi... »

A l’appui, le doyen a rappelé une étude réalisée par le Cremide qui a montré que le taux d’inadéquation emploi – formation des jeunes en Côte d’Ivoire est de plus de 75,87 % dont 33,72 % d’inadéquation verticale, 10,46 % d’inadéquation horizontale et 31,69 % d’inadéquation complète. Ces formes d’inadéquation compétence-emploi concernent tous les niveaux d’enseignement (générale, technique, professionnelle, secondaire et même supérieur).

L’étude notait également un taux élevé de sous-compétence qui « dénote d’une insuffisance des contenus en formations face aux exigences des postes de travail dont la dynamique évolue rapidement. En outre, le lien entre offre et demande de compétences se caractérise donc par une insuffisance de collaborations entre acteurs (acteurs du système de formation, acteurs du système productif et les acteurs du système d’intermédiation sur le marché du travail) particulièrement dans la filière agricole ».

Ce sont autant de résultats que le projet lancé à Abidjan souhaiterait approfondir en creusant davantage pour mieux comprendre le mécanisme d’appariement sur le marché du travail. En effet, les jeunes ont besoin d’un enseignement plus complet qui répond aux besoins du marché du travail et même si l’éducation n’est pas le frein le plus important, elle demeure un problème majeur, souligne le doyen.

Il y a d’autant plus urgence à agir pour améliorer la qualité du capital humain nécessaire à la transformation structurelle de l’économie, que le marché du travail est lui-même en constante mutation, avec l’irruption des nouvelles technologies dont le numérique qui exigent une refonte des contenus des formations.

Prendre en compte les mutations technologiques

Après avoir rappelé diverses réformes initiées par le gouvernement, tant au niveau de l’enseignement supérieur qu’aux niveau des écoles, collèges et lycées, les chercheurs réunis par le Cremide, sont tous convenus qu’il était temps de passer des paroles aux actes, et surtout de veiller à la pleine application des mesures déjà prises, afin que les formations dispensées prennent en compte les mutations du marché du travail où, selon des études internationales récentes, au moins 60% des emplois existant à l’heure actuelle devraient disparaître au cours des prochaines années.

La présentation exhaustive du projet faite par le Pr. Clément Kouakou sur la thématique « Renforcer les systèmes d’éducation et d’apprentissage pour former une main-d’œuvre prête pour la quatrième révolution industrielle », a permis d’en savoir plus sur les différentes phases de l’étude. Pour cette phase avec l’ACET, il s’agira donc d’approfondir, les résultats des deux précédentes études. Selon l’orateur, l’étude portant sur l’inadéquation compétences emploi ayant montré un fort niveau d’inadéquation des compétences des jeunes diplômés au regard des exigences du marché de l’emploi, il était important de comprendre cette situation et de voir le rôle du système éducatif dans l’appariement sur le marché du travail. L’exposé fait par le professeur Kouakou a permis de faire ressortir à la fois les efforts consentis par l’Etat ivoirien et les besoins d’ajustement des compétences au marché du travail, ainsi que des moyens alloués au secteur de l’éducation qui subsistent.

L’étude Cremide-Acet se déroulera dans les villes d’Abidjan et de Bouaké et utilisera essentiellement des guides d’entretien alternant questions ouvertes et fermées. 475 personnes sont concernées par cette étude dans les catégories d’acteurs suivants : structures publiques en charge de la politique, fournisseurs d’éducation de masse, influenceurs, pôles d’impact et d’incubateurs, organisations professionnelles, apprenants, nouveaux diplômés, entreprises du secteur formel, jeunes employés du secteur formel, jeunes entrepreneurs du secteur formel, cabinets de placement, artisans du secteur informel, conseillers d'orientation, parents d'élèves. Dans trois mois, l’étude devrait être achevée, et les recommandations faites au gouvernement pour l’adoption éventuelle de politiques éducatives plus adaptées au monde changeant du travail.



Le 29/01/20 à 19:10
modifié 29/01/20 à 19:10