Marché des titres publics: Emetteurs et investisseurs en mode réflexion à Dakar

1578515078856blob
1578515078856blob
1578515078856blob

Marché des titres publics: Emetteurs et investisseurs en mode réflexion à Dakar

Innover dans les produits proposés comme dans leur distribution constitue la trame des débats ouverts hier dans la capitale sénégalaise par l’Agence Umoa-Titres.

Pour le marché des titres souverains de la zone Uemoa (Union économique et monétaire rassemblant huit pays), il y a un avant et un après-6 décembre 2019. Avant cette date, en effet, le marché régional des titres publics, l’unique marché régional, par adjudication (système d’enchères), exclusivement dédié au financement des Etats membres de l’Uemoa par la levée de la dette souveraine, était considéré comme un marché de petits montants. 20 milliards, 30 milliards de Francs Cfa semblait être le plafond des possibilités de levées de fonds par les Etats.

Puis, vint le 6 décembre 2019. Ce jour-là, l’Etat du Sénégal opérait un retour fracassant sur le marché financier régional en procédant à l’émission simultanée de trois souches d’Obligations Assimilables du Trésors (OAT) de 3, 5 et 7 ans dans le but de lever un montant total de 200 milliards FCfa sur le Marché régional des titres publics (MTP). Les investisseurs réuniront en un temps record jusqu’à 385 milliards FCfa, avant que Dakar ne décide de s’en tenir uniquement aux 200 milliards requis.

Ce record a manifestement changé le regard autrefois posé sur le marché des titres publics par adjudication jusque-là peu connu et sous-estimé. Du coup, la deuxième édition des REMTP, Rencontres du marché des titres publics de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) qui s’est ouverte hier à Dakar avait une tout autre envergure. Après plusieurs années de travail acharné mené par l’Agence Umoa-Titres créée en 2013 pour accompagner les Etats dans la levée de la dette souveraine pour financer les besoins budgétaires, le Marché des titres publics est désormais plus dynamique.

L’Agence Umoa-Titres (AUT) a ainsi mobilisé pour les Etats de la zone Uemoa, plus de 3 420 milliards FCfa dont 1 645 en Bons Assimilables du Trésor et 1 775 en Obligations Assimilables du Trésor atteignant ainsi un nouveau record en termes de montant mobilisé sur une année, s’est réjoui le Directeur général de l’Agence, Adrien Diouf, lors de la cérémonie d’ouverture des Remtp dans un hôtel de la place dakaroise.

La structure des titres émis a également été particulièrement satisfaisante ; de plus en plus d’émetteurs optant pour le in fine sur leurs émissions allant jusqu’à 5 ans et permettant ainsi de poursuivre la standardisation des instruments de dette et de rallonger la durée du stock de dette, indiquait M. Diouf à la presse.

Il faut dire qu’outre l’opération du 6 décembre dernier avec le Sénégal, l’AUT a également organisé, selon son Directeur général, plusieurs opérations d’envergure dont celles d’échanges de titres de la Côte d’Ivoire en mai et octobre 2019. Lors de ces opérations, indiquait-il dans une interview, « la Côte d’Ivoire a pu échanger près de 282 mds de titres arrivant à échéance en 2019 et en 2020 contre des nouveaux titres arrivant eux à échéance en 2022 et 2024, assortis de conditions financières en ligne avec les conditions actuelles du marché ». Cette année, concluait-il, est donc une année où l’AUT s’est illustrée sur son cœur de métier qui reste la levée de fonds mais aussi sur une expertise plus pointue qu’est la gestion active de la dette, gage de valeur ajoutée pour nos Etats.

S’endormir sur ces lauriers n’est pas, pour l’Agence Umoa-Titres, une option. Il est plutôt question d’aller plus loin, le potentiel du marché régional des titres publics de l’espace Uemoa étant à peine effleuré. C’est le message fort livré hier par les différents acteurs de ce marché, des banques premiers investisseurs sur la dette souveraine, aux SGI (Sociétés de gestion et d’intermédiation) et aux assureurs très attendus, comme les fonds de pension et de retraite de la région, pour étendre la base des investisseurs et doper le marché régional de la dette souveraine.

Pour le directeur général de l’Agence UMOA-Titres, « cette année, ces rencontres sont placées sous le signe de l’innovation financière. L’idée pour nous est de mobiliser toute la sphère financière de notre sous-région pour innover et attirer l’ensemble des investisseurs qu’ils soient investisseurs institutionnels ou investisseurs particuliers à venir participer à ce marché. (...) Et ainsi permettre à nos pays de lever les montants nécessaires au financement de leurs budgets et de leurs projets de développement ».

Développer le marché régional des titres publics représente aujourd’hui une réelle opportunité à saisir par les Etats, estime pour sa part, Cheikh Tidiane Diop, le Directeur général de la comptabilité publique et du Trésor du Sénégal. En levant de la dette sur le marché régional en monnaie Cfa, les Etats échapperaient ainsi aux risques de change que laissent courir des expositions trop fortes aux marchés financiers internationaux notamment ceux des Eurobonds qui accroissant les vulnérabilités. Les Rencontres de Dakar offrent aussi l’occasion aux émetteurs souverains d’exposer leurs stratégies de financement, de sorte à décider les investisseurs. Le Bénin et le Togo ont ainsi fait connaître leurs besoins hier, et d’autres Etats de la zone suivront aujourd’hui et demain.

Attirer davantage d’investisseurs de la zone, mais aussi de diverses contrées du monde constitue également un objectif de ces rencontres qui s’achèvent vendredi.

Par Valentin Mbougueng, envoyé spécial à Dakar