L'Intégralité des échanges (Part1)

Adou Richard (DR)
Adou Richard (DR)
Adou Richard (DR)

L'Intégralité des échanges (Part1)

L’intégralité des échanges avec les journalistes

Dans l’enregistrement sonore que nous venons d’écouter, le nombre de 8400 est apparu. Nous savons tous que pour la première fois que nous avons entendu ce nombre, c’était suite à la mutinerie de janvier 2017. Laquelle a abouti à la découverte d’armes au domicile de Monsieur Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul, alors directeur de protocole de Monsieur Soro Kigbafori Guillaume. Les faits ont-ils un lien avec le présent mandat d’arrêt international lancé contre Guillaume Soro ?

Les services de renseignements, dans le cadre de leur mission, ont pu intercepter les audios. Ils ont également pu trouver des personnes qui s’apprêtaient à porter un coup aux institutions de la République. J’ai également indiqué qu’à ce stade de mon propos, nous n’avons pas tous les éléments. C’est pour cela que nous avons ouvert une information judiciaire qui a permis au juge d’instruction de donner une mission aux enquêteurs dans le cadre de la poursuite de leurs investigations. Je ne voudrais pas anticiper au risque de me tromper. Mais sachez que c’est à l’issue de toutes les investigations qu’on saura si les liens sont évidents. Est-ce que les personnes qui étaient dans les 8400 sont toutes impliquées ? Quelles sont les ramifications ? Je ne pourrai vous en dire plus. Les enquêtes nous permettront d’avoir plus d’éléments de réponse.

En écoutant la bande sonore, nous avons l’impression d’entendre la voix de l’ex-président de l’Assemblée nationale. Mais en Côte d’Ivoire, il y a des artistes qui savent imiter les hommes politiques. Cette bande audio n’est-elle pas un montage ?

Je peux vous rassurer que si c’était un montage, nous l’aurions rendue plus audible. Nous aurions utilisé les artistes qu’il faut et nous aurions même pu faire un film. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de maquiller des personnes et de faire un film. L’élément qu’on vous a donné, c’est ce qui a été intercepté par les services de renseignements. D’ailleurs, les personnes mises en cause ont la possibilité de commettre des avocats et c’est la procédure judiciaire qui est en cours. Le doyen des juges d’instruction a la possibilité, sur réquisition des avocats, de faire expertiser et de rechercher avec qui la personne s’entretenait. On sait que la personne est un sachant, c’est un habitué, je ne pourrai pas vous en dire plus. Je ne peux pas vous donner l’identité parce que je ne l’ai pas. Ce sont les enquêtes qui vont permettre de solutionner tout cela.

Dans vos propos liminaires, à aucun moment le nom d’un militaire n’a été cité, parce que techniquement il est difficile pour des civils de mener un coup d’État. Des militaires sont-ils cités ?

Les enquêtes ne font que commencer. Nous avons certains éléments que nous ne pouvons pas mettre sur la place publique. Évidemment, si vous dites à quelqu’un que son nom est cité dans une tentative de coup d’État, nous sommes sûrs que la personne prendra la clé des champs. Dans l’audio, il a été dit : « On doit éviter un bain de sang. On a la puissance de feu ». Il est certain que ce ne sont pas les civils qui utilisent la puissance de feu ; on est bien d’accord que forcément ce sont des militaires. Nous ne pourrons pas donner de noms maintenant, mais les enquêtes permettront par la suite, avec le dossier du juge d’instruction qui est en train d’être diligenté, de pouvoir les identifier tous.

Pourquoi l’État de Côte d’Ivoire n’a pas rassuré Guillaume Soro, laissé son avion se poser et mettre ensuite le grappin sur lui ?

Évidemment, tout le monde savait qu’il devait venir. D’ailleurs, plusieurs dates avaient été données mais elles n’avaient pas été respectées. Ce jour-là, nous savions que l’avion quittait le Bourget pour Abidjan. Un plan de vol avait été déterminé. Les autorités aéroportuaires ivoiriennes avaient été avisées. Elles avaient donné leur accord pour l’atterrissage de l’avion.

C‘est au dernier moment évidemment que l’avion n’a pu atterrir en Côte d’Ivoire. Nous le savons parce que le Dg de l’Anac l’a également indiqué sur le Plateau de la télévision nationale à 20 heures, le 23 décembre. En tout cas, toutes les autorisations ivoiriennes avaient été obtenues. Évidemment, ce ne sont pas les autorités ivoiriennes qui pilotent l’avion. A un moment, l’engin a pris une autre destination. On ne pouvait pas influer sur la destination d’un avion. Je crois que c’est pour cela que l’avion n’a pas pu atterrir.

Dans vos propos, vous avez indiqué que le Trésor public a porté plainte pour une histoire qui date de 2007. Pourquoi avoir attendu donc si longtemps ? N’est-ce pas le désamour entre le Président Alassane Ouattara et Soro Guillaume qui provoque tout cela ? En ce qui concerne la corruption, les détournements de deniers publics, il faut dire que les faits sont poursuivis à la date où ils ont été découverts. C’est en 2007 que ces faits se sont passés. C’est à cette date que les fonds sont sortis des fonds publics pour acquérir un bien immobilier pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire. Par la suite, ne voyant pas dans le patrimoine de l’État ce bien acheté en 2007 que le gérant de la SCI Ebur a tenté d’immatriculer à la conservation foncière, que l’agent judiciaire du trésor, habilité à agir, a saisi le parquet d’une plainte. Cette plainte est totalement recevable.

La date du retour de Soro Guillaume à Abidjan était connue. Pourquoi n’avez-vous pas anticipé son arrestation car l’enregistrement existait ?C’est ce que j’ai indiqué tout à l’heure. Si la loi pénale qui a été violée par un infracteur et que celui-ci n’est pas sur le territoire, il ne rentrera jamais au pays si vous lui dites que vous allez l’arrêter. Sauf s’il décide de prendre un risque incroyable. Il faut attendre que la personne arrive sur le territoire et à ce moment-là, nous avons la possibilité d’agir parce que notre compétence est limitée à notre territoire national. Quand l’avion est détourné au Ghana, nous n’avons pas la possibilité d’obliger les autorités ghanéennes à extrader ces personnes. Lorsque le mandat d’arrêt international a été délivré et transmis à Interpol, c’est à ce moment que nous mettons en jeu la coopération pénale internationale. C’est ce qui va nous permettre, si toutefois la personne est appréhendée, de faire jouer les accords de coopération afin que la personne soit ramenée en Côte d’Ivoire.

Le mis en cause a fait l’objet d’un dossier similaire au Burkina Faso. Il a été entendu effectivement dans des écoutes téléphoniques, lors du procès du putsch manqué. Il a été relevé que les écoutes étaient fabriquées et manipulées. Ce dossier ne va-t-il pas connaître le même sort que celui du Burkina Faso et le parquet qui poursuit pourrait recourir à une expertise acoustique pour asseoir ou légitimer l’accusation ?Pour le moment, le dossier fait l’objet d’une information judiciaire, les mis en cause ont également des avocats. En tant que procureur, je les accuse. Il appartient à ceux qui veulent se défendre de demander une expertise graphologique ou phonique. Dans tous les cas, cette expertise sera faite à leur demande, nous n’avons pas de problème. L’écoute téléphonique qui a été faite au Burkina Faso ne peut même pas nous intéresser parce que cela s’est déroulé dans un autre pays et nous n’étions pas là-bas pour savoir exactement comment on a pu les produire. Mais, je peux vous assurer que ce que nous avons en notre possession, ce sont nos services de renseignements qui ont pris toutes les précautions et il est loisible aux avocats de contester et demander une contre expertise pour s’assurer de l’authenticité.

Vous avez relevé dans vos propos liminaires qu’un mandat d’arrêt international a été émis. Avez-vous la position géographique du mis en cause aujourd’hui ? Pouvez-vous nous dire, à ce stade de vos enquêtes, où le mis en cause réside et des assurances dans le pays où il réside quant à l’exécution du mandat qui a été lancé contre lui ?Au moment où nous avons émis le mandat d’arrêt international, la personne se trouvait au Ghana car l’avion venait d’atterrir dans le pays. Par la suite, nous savons que la personne a pris la destination d’un pays européen. Comme je l’ai indiqué, les autorités ivoiriennes sont compétentes sur l’ensemble du territoire national. Dès lors que nous sommes en dehors du territoire national, nous ne pouvons que faire jouer la coopération pénale internationale. Nous avons saisi les services d’Interpol. Lorsqu’un pays est affilié, Interpol permet d’éditer des notices en cas d’émission d’un mandat d’arrêt. Cela permet d’interpeller la personne.

Affoussiata Bamba Lamine a aussi prononcé une conférence. Elle a même affirmé qu’il y a des éléments qui prouvent qu’en 2002, la déstabilisation était partagée. Est-ce que le procureur va s’auto-saisir et enquêter afin de faire la lumière sur cette affaire ? Je ne pourrais pas répondre maintenant parce que comme je l’ai indiqué, le dossier se trouve actuellement chez le juge d’instruction, qui va investiguer. A l’issue de ces enquêtes, le parquet va décider de saisir la juridiction compétente. A ce stade, je n’irai pas plus loin.

Où, quand et comment a été fait la captation de la bande sonore par les services de renseignements ? C’est un secret que je ne peux dévoiler parce que je ne fais pas partie des services de renseignements. Ce qu’il faut savoir, c’est que chaque partenaire a la possibilité, en fonction des éléments dont il dispose, de capter des éléments. Il appartient au procureur de les analyser pour voir leur crédibilité. Ce, afin d’ouvrir une enquête qui aboutira à une information judiciaire et à un jugement éventuel. Ce qu’il faut savoir, c’est que chaque jour que Dieu fait, les services de renseignements de Côte d’Ivoire sont au travail. Et lorsqu’ils détiennent des éléments probants, ils nous les mettent à disposition pour que nous décidions ou non d’ouvrir des enquêtes judiciaires.

Les avocats de Soro Guillaume disent n’avoir pas eu connaissance du mandat d’arrêt international.

Je ne sais comment répondre à cette question. Parce que, comme je l’ai indiqué plus haut, ce sont les services de police ivoirienne et ceux de l’extérieur, en l’occurrence Interpol, qui sont habilités à exécuter des mandats d’arrêt internationaux et non les avocats qui ne peuvent même pas initier des recours contre des mandats d’arrêt internationaux. Dans un tel schéma, il est loisible aux avocats de pouvoir prendre connaissance avec le dossier qui se trouve au cabinet d’instruction. A ce jour, je ne sais pas si ses avocats l’ont fait mais ce qui est sûr, un mandat d’arrêt international que j’ai cosigné a été délivré et ventilé pour son exécution. Que ceux qui ne l’ont pas encore vu, cherchent donc à prendre attache avec le cabinet d’instruction et les autorités compétentes pour le voir.

Les Chefs d’État vont-ils exécuter le mandat d’arrêt international dans le cadre de la coopération internationale ?

Un État ne peut pas obliger un autre à exécuter un mandat d’arrêt. Mais dans le cadre de la coopération internationale, chaque État se doit, lorsqu’un criminel ou un délinquant se trouve sur son sol, de pouvoir collaborer. Nous avons donc émis le mandat que nous avons accompagné de la Commission rogatoire internationale qui explique les circonstances des faits.

Nous sommes sûrs que la personne ou l’État qui estime que ces faits sont assez probants, permette à la personne concernée d’aller s’expliquer devant les juridictions de son État. Dans le cadre de la coopération, nous exécutons nous-mêmes des mandats d’arrêt et je ne sais pas pourquoi, la réciproque ne sera pas observée dans ce cas.

Parmi les personnes appréhendées, il y a des députés. Que fait l’État de leur immunité parlementaire ?L’article 92 de la Constitution est assez éloquente en matière de poursuite contre les députés surtout lorsque les faits sont commis dans le cas de flagrance. Selon l’article 92 : « Un membre du parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle et correctionnelle qu’avec l’autorisation du Bureau de la Chambre dont il est membre. Sauf le cas de flagrant délit de poursuite autorisée et de condamnation définitive ». Nous sommes donc dans un cas de flagrant délit, donc nous n’avons pas à demander l’autorisation de la levée d’une quelconque immunité comme le dit l’article.

Pouvons-nous savoir où les armes que vous présentez sur les images ont-elles été saisies ?

J’ai indiqué que lorsque nous avons eu les informations et que nous attendions l’atterrissage de l’avion de Guillaume Soro, nous avons donné mandat aux services de renseignements et aux officiers de police judiciaire d’interpeller tous ceux dont nous avons l’assurance qu’ils ont participé à ce complot. Une commission rogatoire a donc été donnée à ces officiers de police judiciaire pour faire des perquisitions dans les domiciles des personnes soupçonnées pour rassembler les preuves et les indices.

C’est dans ce cadre que nous avons vu certaines personnes s’empresser d’aller déménager des armes dans des domiciles. C’est dans ces conditions que nous avons pu appréhender ces armes en question. Malheureusement, ces personnes avaient pris la clé des champs. Mais nous avons pris dans un domicile très voisin, des armes déjà retrouvées. Juste parce que nous avons informé de la perquisition de certains domiciles, nous avons vu des personnes faire des mouvements dans certaines maisons, le temps que nous n’arrivions, pour partir avec des éléments. Nous avons suivi et le temps que nous n’arrivions sur les lieux, nous avons vu que ces personnes ont déversé des armes que nous avons saisis. Nous sommes en train de les analyser avec la police scientifique pour savoir à qui elles appartiennent et quelle est leur provenance. Parce que vous savez bien que les armes sont marquées et sont ici des pièces à conviction que nous allons examiner.

Pourquoi vous vous empressez d’animer une conférence de presse alors que l’enquête n’est pas encore terminée ? Et quelles sont les sanctions encourues si vous parlez d’affaire grave ?

Lorsqu’on tarde à donner une information, on nous reproche d’avoir trop tardé. Lorsque nous nous empressons de répondre aux interrogations, on dit que nous sommes trop pressés. Dans ce cas, quel est le meilleur moment pour parler ? Ce qu’il faut savoir, c’est que cette affaire est tellement grave qu’il faut que les Ivoiriens soient informés là-dessus. Ce n’est pas tous les jours qu’on parle de puissance de feu, de verser le sang. Vous avez écouté l’enregistrement sonore et à voir de plus près, le processus se diviserait en deux parties. La première était de parcourir tous les pays pour jeter le discrédit sur les institutions à travers tous les canaux de diffusion possible. La seconde était d’appuyer sur une télécommande pour cracher du feu et tuer des gens. Et je pense qu’à partir du moment où on parle d’effusion de sang, tout doit être su.

Quant aux sanctions encourues, ne serait-ce que l’attentat contre l’autorité de l’État, c’est l’emprisonnement à vie. Parce qu’en la matière, c’est la peine sanctionnant l’infraction la plus gravement réprimée qui est appliquée. Et ça, c’est le juge qui va l’appliquer à l’issue du procès.

Le mandat d’arrêt n’est-il pas précipité ? Puisque vous dites que l’enquête est en cours ?Dès le départ, nous n’avons pas lancé de mandat. C’est lorsque nous nous sommes rendus compte que l’avion de Guillaume Soro avait été détourné à destination d’un autre pays, et que nous savons que nos forces de l’ordre n’ont pas pouvoir d’agir sur un autre territoire, que nous avons émis le mandat sous l’autorité du juge d’instruction. Je voudrais dire que ce n’est pas de façon anticipée, autrement, la personne qui a eu l’information qu’elle est poursuivie ne va pas se rendre.

Quel est le nombre exact des personnes arrêtées ?Je pense que nous avons dépassé une quinzaine. Mais comme je l’ai dit, en attendant les résultats des enquêtes, rien ne prouve que toutes ces personnes sont coupables. Elles sont donc présumées parce que la juridiction n’a pas encore statué pour certifier leur culpabilité. Pour l’instant le travail est donc au niveau des enquêteurs et du juge d’instruction.

Ce qui est reproché à Soro Guillaume et ses proches est-il assimilable à un acte terroriste ?La loi qui prévoit l’attribution des infractions assimilées et qui parle de blanchiment de capitaux également parle en même temps de financement du terrorisme. C’est en fait, le titre de la loi. Nous avons pour l’instant parlé de blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme parce que c’est ce que le titre de loi dit mais nous n’avons pas parlé d’acte terroriste.

Des suspects ont été arrêtés puis des armes ont été découvertes. Qu’est-ce qui

rattachent ces éléments des personnes interpellées ?Je l’ai indiqué dans une première réponse que tout ce qui est saisi lors d’une perquisition est appelé pièce à conviction. C’est à l’issue des enquêtes qu’on peut les attribuer aux personnes interpellées.