Propos liminaires du Procureur de la République

Le Procureur de la République brandit une photographie des armes et munitions retrouvées dans des domiciles. (Véronique Dadié)
Le Procureur de la République brandit une photographie des armes et munitions retrouvées dans des domiciles. (Véronique Dadié)
Le Procureur de la République brandit une photographie des armes et munitions retrouvées dans des domiciles. (Véronique Dadié)

Propos liminaires du Procureur de la République

Propos liminaires du Procureur de la République

Mesdames et messieurs de la presse, je tiens à vous adresser mes sincères remerciements d’avoir répondu massivement à notre invitation.

Le lundi 23 décembre dernier, j’indiquais dans un communiqué que les Services de renseignements avaient été informés de ce que Monsieur Soro Kigbafory Guillaume et certains de ses soutiens projetaient d’attenter à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national. Les Services de renseignements ont donc entrepris d’accentuer la vigilance vis-à-vis de Monsieur Soro Kigbafory Guillaume et de ses soutiens.

Monsieur Soro Kigbafory Guillaume a entrepris des tournées dans certains pays d’Europe, où il ne se privait pas de jeter l’anathème et le discrédit sur les institutions en place. Il s’agissait d’une action concertée dans la mesure où, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’étranger, certaines personnes proches de lui n’hésitaient pas à amplifier ce discrédit .

Ces actes, loin d’être isolés, étaient constitutifs d’un complot qui devait aboutir à une insurrection civile et militaire.

Les éléments en possession des Services de renseignements, notamment un enregistrement sonore que je vous ferai écouter, établissent clairement que le projet devait être mis en œuvre incessamment. De cet enregistrement, il ressort, entre autres, les propos ci-après :

 « ...nous on est là, on est dans la garde du Président, on est dans la garde au Palais, à la maison. On est positionné un peu partout... »

 « ...on a les 8400 et puis d’autres jeunes, on a l’armée hein... »

 « ...Hamed a essayé de faire un tour mais les gens vont basculer. Il y aura quelques-uns, les pros IB, qui ne seront pas avec nous... »

 « ...dans ce genre d’action, c’est la puissance de feu qui rallie tout le monde... »

 « ...on ne va pas commencer là-bas (Bouaké) ...mais les gens sont très sereins, c’est nous qui les calmons. On veut que ça tombe dans une période assez intéressante pour que ça ne soit pas du n’importe quoi... »

 Sur le moment du début de l’action, « on a la télécommande...C’est pourquoi ce qui va se faire en amont avec la communication qui va discréditer le régime et tout. Mais je retiens que j’ai un délai à ne pas dépasser d’un an... »

 « ...en fait, il faut minimiser les coûts humains, le sang et tout ça. Si on doit s’entretuer, ça va s’enliser... »

 « ...à part Zakaria, les COMZONES ne vont pas réagir. Ils essaient de récupérer les COMZONES mais ça ne marche pas. On les a infiltrés. Tout ce qu’on dit à un COMZONE, je suis informé. Ils ont réussi à récupérer un COMZONE sur les dix... »

 « ...on va regarder la situation. Si elle est favorable à une insurrection populaire, tant mieux. Il faut qu’on s’apprête, la situation difficile... »

Dans le but de mettre en œuvre leur funeste dessein, certains soutiens de Monsieur Soro Kigbafory Guillaume, dont des parlementaires, sous le prétexte que l’avion de ce dernier aurait été dérouté par les autorités aéroportuaires, diffusaient de fausses nouvelles et appelaient à l’insurrection populaire.

Vu la gravité des faits, et en raison de la flagrance de ceux-ci, j’ai immédiatement ordonné à la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) de procéder à la recherche et à l’arrestation de tous les mis en cause.

Par ailleurs, je voudrais porter à votre connaissance que le vendredi 20 décembre 2019, le Parquet a été saisi d’une plainte formulée par l’Agent Judiciaire du Trésor (AJT) contre Messieurs Cissé Mory, Koné Kamaraté Souleymane, N’Guessan N. Réné, la Société Civile Immobilière ÉBUR (SCI EBUR), Soro K. Guillaume et autres pour les faits de détournement de deniers publics, recel de détournement de deniers publics portant sur la somme de un milliard cinq cents millions de francs CFA (1.500.000.000 F CFA) et complicité desdits faits.

A l’appui de sa plainte, l’AJT expliquait avoir découvert un relevé du Trésor public duquel il résultait que la somme indiquée plus haut avait été transférée sur le compte de Maître René N’GUESSAN, notaire en résidence à Abidjan, pour l’acquisition d’un bien immobilier en 2007.

Le 26 septembre 2019, ayant constaté que ledit bien immobilier n’avait jamais intégré le patrimoine immobilier de l’Etat, et que bien au contraire, le gérant de la SCI EBUR tentait de procéder à son immatriculation dans les registres de la conservation de la propriété foncière et du domaine, une réquisition était adressée à l’officier public, qui confessait avoir conclu avec les fonds publics reçus, la cession projetée au profit de la CSI EBUR, d’un terrain urbain bâti sis à Abidjan-Marcory, quartier résidentiel.

Les investigations effectuées révélaient en outre que la SCI EBUR, acquéreuse du bien immobilier litigieux, avait été créée par deux associés, à savoir Messieurs CISSE Mory et KONE KAMARATE Souleymane, le dernier cité étant l’ancien directeur du protocole de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Monsieur Guillaume KIGBAFORI SORO.

Enfin, il était découvert que ledit terrain urbain bâti abrite une villa, habitée en réalité par Monsieur SORO KIGBAFORI GUILLAUME, lequel, depuis de nombreuses années, jouissait dudit bien immobilier acquis intégralement avec des deniers publics par l’entremise d’une société prête-nom au détriment de l’Etat de Côte d’Ivoire.

Au regard de ce qui précède, une information judiciaire a été immédiatement ouverte contre :

 Monsieur SORO K. Guillaume, pour présomptions graves de tentative d’atteinte contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national et complot contre l’autorité de l’Etat, de recel de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux

 Tous autres, pour présomptions graves de tentative d’atteinte contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national et de complot contre l’autorité de l’Etat ;

 Messieurs CISSE Mory, KONE KAMARATE Souleymane, N’GUESSAN N. René et la SCI EBUR et tous autres, pour présomptions graves de détournement de deniers publics portant sur la somme de 1.500.000.000 de francs CFA et complicité desdits faits ;

 Messieurs Alain LOBOGNON et 14 autres pour les faits d’attentat et complot contre l’autorité de l’Etat, troubles à l’ordre public, diffusion de fausses nouvelles tendant à jeter le discrédit sur les institutions de la République.

Ces faits sont prévus et punis par les articles 28, 32, 162, 163, 190 du Code Pénal ; les article 33, 34, 60, 63 et 65 de l’ordonnance n°2013-660 du 20 septembre 2013 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ; les articles 7, 99, 113, 117 et 118 de la loi n° 2016-992 du 14 novembre 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Un mandat d’arrêt international a été requis contre Monsieur SORO Kigbafori Guillaume et des mandats de dépôt ont été requis contre les autres mis en cause.

Une mission confiée par le Juge d’instruction aux enquêteurs à l’effet de procéder à des perquisitions et saisies a permis la découverte de :

• 16 téléphones

• 09 puces téléphoniques

• 01 lot de matériel de communication radio

• 05 gilets pare-balles et 01 kevlar

• 04 treillis

• 03 mitrailleuses de 12,7 mm

• 06 caissettes de munitions de 12/7

• 04 RPG 7

• 13 roquettes

• 03 cache-flammes

• 04 missiles antichars

• 59 paquets de munitions AK

• 19 chargeurs de kalachnikov AK 47

• 14 kalachnikovs AK 47

• 02 caissettes de munitions de FM

• 01 seau rempli de munitions AK47

Mesdames et messieurs de la presse, je voudrais, pour terminer, vous inviter à écouter attentivement cet enregistrement sonore.

Fait à Abidjan, le 26 décembre 2019

Le Procureur de la République

ADOU Richard Christophe