C’est quoi être un pays émergent?

C’est quoi être un pays émergent?

Être un pays émergent est devenu l’objectif principal de presque tous les pays dits « en voie de développement ».

Les exemples de réussite économique et de développement du Brésil, de la Russie, de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique du Sud, suscitent beaucoup d’ambitions. à ces pays, on pourrait ajouter beaucoup d’autres en Asie, y compris la Corée du Sud par exemple.

Les fortes croissances économiques de certains pays africains favorisent cette volonté politique qui n’est pas toujours bien expliquée aux populations. Comment comprendre cette notion sans un minimum de précision de chaque État, en fonction de ses propres réalités politiques, économiques, sociales, culturelles et environnementales ?

Les réalités politiques

Il est évident que la plus grande responsabilité de la compréhension du concept d’émergence incombe aux principaux acteurs politiques.

En Côte d’Ivoire, par exemple, l’exécutif souhaite que notre pays l’atteigne à l’horizon 2020. C’est donc à lui d’expliquer aux populations ce qu’est un pays émergent et ce que cela va leur apporter. Que faudrait-il à la Côte d’Ivoire pour l’être ?

Doit-on se contenter des seuls critères ou indicateurs économiques et financiers imposés par les grands organismes financiers internationaux ?

Cette notion d’émergence peut-elle aussi se définir sur la base de critères qui nous sont propres et qui pourraient déterminer le passage d’un état d’esprit, de comportement et de vision, vers un autre état plus ambitieux?

Si nous nous retrouvons en 2020 avec une très forte croissance économique (à deux chiffres et toujours exponentielle) mais avec toujours nos haines et divisons ethniques, religieuses et politiques, à quoi servirait cette émergence ?

A quoi servirait un pays dit « émergent » où les acteurs politiques entretiendraient toujours des milices et des organes de presse politisés, prêts à manipuler l’information et à se battre à la machette ?

Si nos responsables politiques sont capables d’atteindre une maturité politique minimale, permettant de mettre l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de certaines ambitions parfois destructrices, alors l’émergence souhaitée peut, peut-être avoir une base solide sur laquelle se construire.

Les réalités économiques et socialesPour les économistes, est considéré comme pays émergent, « celui dont le Pib par habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui connaît une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie ainsi que les structures économiques convergent vers ceux des pays développés».

Doit-on systématiquement se laisser enfermer dans ce type de définition arrêtée, loin de nos réalités africaines ?

Ne peut-on pas intégrer d’autres réalités que pourraient mettre en place nos dirigeants politiques et économiques ?

D’abord, il faudrait que nous ayons un environnement des affaires sain et sécurisé par la justice. L’application des lois et règlements en vigueur doit être effective et se débarrasser de toute forme de corruption qui maintiendrait toujours le pays dans le « sous-développement ». C’est un état d’esprit qui doit engendrer de nouveaux réflexes et de nouvelles habitudes.

Le droit doit être au centre de toutes les activités dans la société et les lois appliquées à tous les niveaux. Les responsabilités de tous les acteurs de la société doivent être engagées dans l’exercice de leurs activités professionnelles et autres.

Lorsqu’un acteur de l’État commet une faute lourde, la justice doit se prononcer pour situer les responsabilités et les sanctions doivent être immédiates. On ne peut pas prétendre vouloir être un pays émergent, même avec un fort taux de croissance et de Pib et ne pas engager la responsabilité des différents acteurs de la société lorsque des fautes sont commises. On ne peut pas souhaiter aller vers une émergence avec des habitudes de pays sous-développés, enracinés dans l’impunité, le désordre et la corruption généralisée.

Réalité culturelle et environnementaleÊtre un pays émergent, c’est aussi sans doute, tenir compte de son environnement social et culturel. On ne peut pas être émergent en n’ayant pas davantage une politique encore plus ambitieuse pour le bien-être de nos populations.

En dépit de nos bons résultats en matière économique selon des normes internationales, si nous continuons toujours à nous haïr, nous entretuer, à tuer à l’hôpital nos propres frères et sœurs par des erreurs de diagnostic, de dosage, ou de non-assistance à personne en danger et pauvre, par la corruption et l’absence de responsabilité, l’émergence de notre pays ne servira qu’aux cols blancs qui profiteront de ces effets positifs pour s’enrichir davantage.

Pour les autres, rien n’aura changé, comme dans les provinces de Chine, les favelas du Brésil ou les bidonvilles sud-africains. Être pauvre ou victime des conséquences du sous-développement ou l’être dans un pays dit émergent, qu’est-ce que cela change pour les populations?

Macaire Dagry