La paix des braves

Le 02/12/19 à 12:02
modifié 02/12/19 à 12:02

La paix des braves

Depuis le décès de Félix Houphouët-Boigny, premier Président de notre pays, notre vie politique et notre vie tout simplement sont rythmées par les ententes et mésententes entre ceux que l’on a considérés ou qui se sont autoproclamés héritiers, à savoir MM. Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Houphouët-Boigny est mort il y a 26 ans.

Au cours de ces 26 années, chacun de ces trois hommes a eu le temps de diriger ce pays durant un temps suffisamment long pour que les Ivoiriens puissent apprécier ce dont il est capable. Et comme le dit le Président Ouattara avec insistance, il est temps maintenant que le relais soit transmis à une autre génération. D’autant plus que le plus jeune d’entre eux, Laurent Gbagbo, aura 75 ans en 2020. Alassane Ouattara a aussi ajouté qu’il se représentera si les autres le font. La balle est donc dans le camp de MM. Bédié et Gbagbo.

Mais elle est beaucoup plus dans celui de M. Bédié, puisque M. Gbagbo, qui a de sérieux contentieux avec la justice aussi bien dans son pays que sur le plan international, est, a priori, peu susceptible de présenter sa candidature à la présidentielle de 2020. Et M. Bédié, qui aura 86 ans en 2020 et qui a déjà dirigé ce pays il y a vingt ans, a fait savoir qu’il était intéressé par une candidature à la présidentielle de 2020. Et de nombreuses personnes dans son camp l’y poussent. L’argument de plusieurs d’entre eux est que M. Ouattara veut être candidat et qu’il n’y aura que Bédié pour l’affronter et le battre.

N’est-il pas temps que chacun taise son ego pour penser un peu au pays ?

En 2010, l’élection présidentielle, qui a vu les trois hommes concourir, s’est soldée par une guerre qui a coûté officiellement la vie à plus de trois mille personnes. Et si aujourd’hui des hommes politiques ont fait de la réconciliation leur leitmotiv, c’est parce que la crise qui a suivi cette élection a eu de néfastes répercussions sur la cohésion sociale. Nous savons tous que si l’élection de 2020 oppose, de nouveau, ces trois hommes ou seulement deux d’entre eux, nous risquons de connaître les mêmes tragédies.

Pour quelles raisons des hommes qui ont dirigé le pays, depuis de très longues années, veulent encore le pouvoir ? Que peuvent-ils lui apporter ? La vraie raison, c’est qu’ils cherchent tout juste à satisfaire leur ego, à prendre une revanche ou à humilier celui qu’ils considèrent comme leur ennemi. Chacun est intimement convaincu qu’il gagnera sans coup férir, fera rendre gorge au perdant et lui fera subir les pires sévices.

N’est-il pas temps de conclure la paix des braves, celle où il n’y a ni perdant ni gagnant ? Si nous allons à un affrontement entre deux ou trois de ces hommes, au moins l’un d’eux en sortira humilié à jamais. Et que gagnerait notre pays ? Une division encore plus profonde ou, peut-être pire, de nouveaux affrontements meurtriers. Est-ce de cela dont nous avons besoin ?

Et pourtant, quel grand ouf de soulagement ne pousserions-nous pas si MM. Bédié et Gbagbo prenaient M. Ouattara au mot et disaient chacun : « Chiche, je ne serai pas candidat »!

Nous les remercierions de toute notre âme et ferions d’eux des héros, s’ils prenaient une telle décision. Parce qu’au fond de nous tous, quelle que soit la chapelle politique à laquelle nous appartenons, notre désir profond est de vivre une élection présidentielle de 2020 aussi paisible que celle de 2015, lorsque MM. Bédié et Ouattara étaient encore des amis. Notre désir profond est de vivre dans la paix avec tous les habitants de ce pays et tous ceux qui nous entourent.

Alors, qu’est-ce qui nous oblige, nous peuple de Côte d’Ivoire, à laisser notre sort dépendre des ego et des désirs de revanche de deux personnes ? Pourquoi le sort de 24 millions de personnes dépendrait-il de l’humeur de deux personnes et non le contraire ?

Nous voyons, depuis quelque temps, ici et là, des peuples qui ont pris leurs responsabilités et qui les assument. Il serait peut-être temps que le peuple ivoirien prenne les siennes, comme il l’a déjà fait par le passé. Certains partisans de M. Bédié justifient sa candidature par celle de M. Ouattara. M. Ouattara dit aujourd’hui qu’il ne sera pas candidat si M. Bédié accepte aussi de ne pas l’être. Vous dites quoi ?